Ce mercredi 24 février à 15 heures, sous une pluie persistante et un vent décoiffant, il fallait être courageux pour se masser petit à petit sur la place André-Malraux à Grenoble. Les retraités viennent manifester contre la réforme des retraites, que Nicolas Sarkozy espère voir aboutir d’ici la fin 2010.
La CGT mène la danse, suivie de quelques drapeaux CFDT, FSU, CFTC et même un seul FO, André Arrighi, qui s’indigne sous son parapluie : « Depuis vingt ans, nous perdons chaque année 1% par rapport au coût de la vie et personne n’en parle dans les médias ! Pour les manifestations d’actifs, il y a du monde, mais pour parler des vieux… » Cet homme énergique de 69 ans regrette que les pensions soient indexées sur les prix indicatifs INSEE. « Jospin et Chirac ont signé un traité de convergence européen en décembre 1999, sur conseil de certains syndicats comme la CFDT. Et aujourd’hui on pousse des cris d’orfraie dans les manifestations, mais il ne fallait pas signer ! On voudrait revenir à une indexation sur le SMIC, et que plus de moyens soient accordés à la protection des personnes âgées. Le président devait faire de nous une priorité nationale, et il a attendu trois ans avant de s’attaquer au problème. Nous les anciens, on a toujours l’impression de passer derrière. »
Pas responsables de la crise
Jeanine, 72 ans, ne se réclame d’aucun mouvement politique. « Je suis venue car j’estime indispensable de défendre nos maigres retraites. Cela fait beaucoup trop longtemps que l’Etat ne fait rien pour nous aider, que nous avons du mal à joindre les deux bouts, cela ne peut plus durer, nous ne méritons pas cela ».
« Moi je veux bien qu’on cotise pendant 47 ans et demi, s’il le faut vraiment, pondère son ami Charles, 65 ans. Mais ce n’est pas réaliste : comment vont faire ceux qui ont un bac + 5 et commencent à travailler à 22, 23, 24 ans, parfois plus ? Va-t-on les faire travailler jusqu’à 80 ans ? Cela n’a pas de sens. »
Maurice Point-Rivoire, le responsable CGT des retraités grenoblois, prend le micro. « Les retraités n’ont pas à subir les conséquences d’une crise dont ils ne sont pas responsables », martèle-t-il. Il déplore la baisse constante de leur pouvoir d’achat et la hausse des dépenses incontournables telles que les assurances, les mutuelles, l’électricité et le gaz, sans oublier les soins de santé, qui représentent tout de même 11% du budget d’une personne âgée.
12% des personnes âgées recourent à l’aide alimentaire
La perte d’autonomie est également de plus en plus coûteuse. André Arrighi appuie ce propos : «En France, il n’y a que six personnes soignantes pour dix pensionnaires dans une maison de retraite, contre dix à quatorze pour dix dans d’autres pays européens économiquement comparables comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne surtout, etc. C’est la porte ouverte au surmenage, aux formations compromises et à la maltraitance. »
« A compter de 2010, la suppression de la demi-part accordée jusqu’alors au contribuable seul, qu’il soit célibataire, veuf ou divorcé et ayant élevé au moins un enfant va avoir des répercussions sur le pouvoir d’achat de bon nombre de personnes. C’est un mauvais coup de plus », ajoute Maurice Point-Rivoire, qui regrette également que la pauvreté oblige 12% des personnes âgées à recourir à l’aide alimentaire.
Les chiffres illustrent cette dure réalité : plus d’une retraitée sur trois perçoit moins de 700 euros par mois et une sur deux moins de 900 euros. Sur les 14 millions de retraités, plus de 5 millions ne perçoivent qu’entre 800 et 1100 euros par mois. De nombreux panneaux « + 300 euros ! » émaillent l’assemblée, qui se fait de plus en plus nombreuse.
Finalement, vers 15h30, le cortège s’ébranle. 200 à 300 personnes se mettent en route. « Le préfet a accepté de nous recevoir, c’est une grande première, ironise Maurice Point-Rivoire. Habituellement, nous restons sur le pas de la porte. » Et c’est avec détermination qu’un nuage de parapluies colorés marche vers la préfecture, place de Verdun.
Isabelle Crahay